La réunion

Source

La séance est ouverte à seize heures trente-cinq.

La commission procède, à huis clos, à l'examen du projet de rapport (M. Aurélien Saintoul, rapporteur).

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Chers collègues, nous achevons aujourd'hui les travaux de la commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre. Pour rappel, cette réunion se déroule à huis clos.

En application des termes de la résolution constitutive, la commission d'enquête s'était donné trois principaux objectifs : faire toute la lumière sur les procédures d'attribution des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre ; examiner le respect des engagements pris par ces services de télévision ; se pencher sur les moyens de contrôle du respect de ces engagements employés par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom).

Nous avons consacré plus de quatre-vingts heures à la tenue de quarante-cinq auditions, qui nous ont permis d'entendre un total de 165 personnes.

Nous procédons aujourd'hui à la discussion du projet de rapport que vous avez pu consulter sur place, sous surveillance, depuis le jeudi 2 mai. Outre le rapport, sur lequel nous voterons sur le fond, trois autres questions pourraient, le cas échéant, être mises au voix, dans le cas où le rapport ne serait pas adopté : le maintien en ligne des vidéos et des comptes rendus des auditions publiques réalisées ; la publication du compte rendu de l'audition des dirigeants de CMA CGM, tenue à huis clos ; enfin, la publication du compte rendu de la réunion d'examen d'aujourd'hui.

Je vais tout d'abord céder la parole au rapporteur pour la présentation de son rapport. Après lui, les orateurs des groupes disposeront de quatre minutes pour exprimer leur position. Ensuite, les députés qui le souhaitent disposeront de deux minutes chacun.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'adresse des remerciements vifs et chaleureux au secrétariat, aux administrateurs et aux agents qui ont permis la bonne tenue de la commission d'enquête. Je dis avec sincérité et plaisir que de les voir œuvrer avec le dynamisme et l'excellence dont ils sont capables est une source de satisfaction, et même de joie. Je remercie également ceux de nos collègues qui ont pris le temps d'y participer dans un esprit responsable, sérieux et constructif, et de consulter le projet de rapport pour une durée parfois non négligeable, m'a-t-on dit.

En dépit des désaccords qui ont pu se manifester à la fin de nos travaux, il me paraît nécessaire et utile de signaler que nous avons travaillé sur la base d'une méthode de travail négociée, qui a bien fonctionné l'essentiel de la commission d'enquête. Une commission repose sur le travail coopératif d'un rapporteur et d'un président. L'un et l'autre, nous avons manifesté, en tout cas dans les premiers mois, notre coopération et notre volonté de trouver une règle de travail. En tout état de cause, le rapport est donc le fruit de cette négociation. Le choix des auditionnés reflétait aussi cette volonté de travailler en bonne intelligence et de ne pas nous heurter à chaque instant, ce qui a mené à des compromis de part et d'autre. Je tiens à ce que chacun sache que le président et moi-même avons fait des compromis dans l'organisation de cette commission d'enquête. C'est dans cet esprit que j'ai cherché à travailler et à rédiger ce rapport.

Les quarante-sept propositions du rapport couvrent l'ensemble des sujets abordés par la commission d'enquête : elles touchent à la déontologie, à l'économie des médias et au respect des obligations figurant dans les conventions passées entre les éditeurs et l'Arcom, à la fois avant, pendant et après l'attribution des autorisations. Elles sont, pour la plupart, le reflet de propos tenus explicitement devant la commission d'enquête. Je n'ai pas souhaité multiplier les propositions personnelles ; toutefois, certaines d'entre elles le sont, et je suis prêt à les assumer devant vous.

Le président m'a fait savoir par courriel, hier soir à vingt heures, que les groupes de la majorité et le groupe Les Républicains demandaient la suppression de dix-neuf de ces propositions. Je ne saurais accéder à une telle demande. Outre qu'il me semble cavalier d'exiger la suppression de 40 % des propositions, ma conviction est que l'examen du rapport porte sur la cohérence intellectuelle de celui-ci et qu'un lecteur attentif saura faire la part des choses entre les faits établis par la commission d'enquête et l'opinion du rapporteur. C'est sur cette base que je souhaite ouvrir la discussion. Nul n'imagine que l'adoption d'un rapport engage l'ensemble de la commission et que chacun de ses membres y souscrive en totalité, sans quoi aucun rapport ne serait jamais publié dans les cas où le rapporteur n'appartient pas à un groupe de la majorité.

Il y a deux heures, le président m'a fait savoir que, finalement, seules neuf propositions posaient problème au point de mettre en péril la publication du rapport. Je souhaite passer en revue ces propositions pour expliquer leur cohérence.

À première vue, la proposition « Interdire la diffusion de programmes jeunesse les matins avant l'école, ou à défaut, obliger les chaînes à afficher un message sanitaire de prévention durant l'intégralité des programmes concernés » a de quoi surprendre. En réalité, elle a été formulée en audition par le Défenseur des enfants, qui a souligné combien l'exposition des enfants à la télévision avant l'école posait problème. Il ne s'agit pas d'interdire les programmes jeunesse. Au contraire, je suis favorable à la création dans ce domaine qui me semble le parent pauvre de la production télévisuelle et pour lequel des perspectives intéressantes ont été évoquées en audition par les responsables des chaînes du service public, dont les groupes privés feraient bien de se saisir. Néanmoins, il convient au moins d'obliger les chaînes à signaler les effets néfastes de l'exposition précoce des enfants à la télévision. Beaucoup d'entre vous partagent plus ou moins cette appréciation dans la mesure où le Président de la République lui-même a commandé un travail sur l'exposition aux écrans ; si j'étais taquin, je dirais que le Premier ministre, si soucieux de la réussite scolaire, souscrirait, lui aussi, à cette recommandation.

Je peux entendre que certains considèrent la proposition « Assurer une source de financement dynamique, spécifique, universelle et progressive comme la contribution à l'audiovisuel public et préserver les identités des sociétés le composant en renonçant au projet de rapprochement au sein d'une même holding » comme hors sujet, dans la mesure où l'audiovisuel public n'entrait pas dans le champ de la commission d'enquête. Toutefois, notre collègue Constance Le Grip, membre de la majorité, a interrogé tous les ministres en audition à ce propos, et le président n'a pas cru devoir lui signaler que sa question était hors sujet. Je partage entièrement l'appréciation des ministres et je ne vois pas de raison de censurer leur parole en retirant cette proposition.

La proposition « Dans les programmes des chaînes d'information, renoncer à la fonction d'éditorialiste, intrinsèquement liée à la presse écrite d'opinion, au profit d'experts disposant de compétences et titres pour analyser les faits » a déjà fait couler beaucoup d'encre. Notez que je n'ai pas employé le mot « interdire ». Je ne crois pas qu'il faille interdire la fonction d'éditorialiste ; je préconise que les chaînes y renoncent d'elles-mêmes afin de ne pas s'exposer à une sanction pour manquement aux règles de pluralisme, sujet sur lequel nous avons eu une longue discussion. La fonction d'éditorialiste est entièrement liée à l'existence d'une presse écrite, qui est une presse d'opinion, et c'est légal ; en revanche, nous devons prendre acte du fait que la presse télévisuelle n'est pas une presse d'opinion et qu'une fonction intrinsèquement liée à celle-ci n'y a pas sa place.

La proposition « Acter la fin de la TNT payante et prévoir la possibilité pour l'Arcom de ne pas réattribuer les cinq fréquences correspondantes » a été mal comprise, de ce que j'ai pu lire sur France Info. Il ne s'agit pas d'interdire les chaînes payantes, mais de prendre acte de leur échec économique. Dans la mesure où la viabilité économique des chaînes est l'un des critères d'attribution des autorisations, il faut reconnaître que le modèle payant a fait long feu et que les chaînes devraient plutôt se porter candidates sur la base de projets gratuits.

La proposition « Soumettre la délivrance de l'autorisation d'émettre sur la TNT à une redevance annuelle pour occupation du domaine public assise sur le chiffre d'affaires des éditeurs concernés », qui vise à réaffirmer un principe classique du droit public, a été défendue par Marcel Rogemont et Olivier Schrameck. J'ai cru comprendre que certains d'entre vous y étaient favorables, puisque des questions ont été posées en ce sens en audition. Qui plus est, dans le cadre de ma mission, j'ai consulté des documents des services du Premier ministre déposés aux Archives nationales, dans lesquels j'ai trouvé une note adressée au Premier ministre François Fillon et examinée en réunion interministérielle en 2011. Il arguait en faveur de ce principe, défendu également, à l'époque, par François Baroin. C'est une exclusivité que je vous livre là et je crois que personne ne m'en voudra de mettre cette archive à votre disposition. En tout état de cause, cette redevance ne présente pas un caractère révolutionnaire. Les modalités n'en sont pas arrêtées et je suis ouvert à la discussion concernant le montant et le mode de calcul.

La proposition « Insérer dans les conventions des chaînes proposant des émissions d'information des garanties en matière d'indépendance des rédactions vis-à-vis des intérêts et des interventions de l'actionnaire, notamment en prévoyant l'agrément du directeur de la rédaction proposé par l'éditeur » émane de Reporters sans frontières (RSF), mais aussi de Julia Cagé et de Claire Sécail. Elle fait écho aux propositions de notre collègue Sophie Taillé-Polian, que je reprends volontiers à mon compte.

La proposition visant à élargir la composition du collège de l'Arcom en prévoyant d'y faire figurer deux députés de l'opposition reprend un mode de fonctionnement qui a fait ses preuves à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) et qui renforcerait la crédibilité et l'autorité des décisions de l'Arcom en garantissant la transparence de celles-ci. En outre, elle assurerait un va-et-vient entre l'autorité indépendante et les représentants du peuple. Même si cette proposition peut susciter des réserves, je ne vois pas en quoi elle remet en cause les principes démocratiques ; néanmoins, je suis prêt à réfléchir à l'appartenance à l'opposition des deux députés concernés.

Il aurait peut-être fallu dédoubler la proposition « Prévoir dans la loi du 20 septembre 1986 l'obligation pour les éditeurs de chaînes sur la TNT de respecter le principe de laïcité, incompatible avec la diffusion d'émissions à caractère religieux et prévoir de faire respecter par l'Arcom le principe d'une réfutation des théories pseudo-scientifiques », dont la formulation pourrait laisser croire que, par tropisme irréligieux, je considère les discours religieux comme relevant de théories pseudo-scientifiques. Toutefois, je ne suis pas un vieil anticlérical du début du XXe siècle et je fais une distinction intellectuelle entre les religions et les discours pseudo-scientifiques. L'obligation de respect de la laïcité, y compris pour les groupes privés, découle de la notion d'occupation du domaine public. Le deuxième versant de la proposition porte sur certaines émissions qui promeuvent massivement des théories pseudo-scientifiques : à une époque où se pose la question de l'honnêteté de l'information, de la manipulation des esprits et de la lutte contre les dérives sectaires, il convient de mener une action déterminée en ce sens à la télévision.

La proposition d'« attribuer à la rédaction des chaînes un droit d'opposition sur les décisions ayant des conséquences directes sur le contenu éditorial de l'information » fait, elle aussi, écho aux propositions de Sophie Taillé-Polian, lesquelles s'appuient sur les recommandations de Claire Sécail, de Julia Cagé et d'autres intellectuels. L'un des enjeux de la démocratie contemporaine est de donner la possibilité à ceux qui font l'information de contrôler la chaîne de bout en bout.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je confirme que, du début à la fin de la commission d'enquête, nous avons travaillé en bonne intelligence et en toute cordialité. J'ai tout fait pour trouver des solutions, tant du point de vue du format des auditions que des personnes auditionnées, pour que nos travaux soient les plus complets et les plus utiles possible.

Le Règlement de l'Assemblée nationale indique que nous adoptons bien le fond du rapport et que cette adoption lui confère une première base légale. Les groupes peuvent, dans un délai de quelques jours, soumettre une contribution en annexe du rapport dans laquelle figurent des éléments plus connotés politiquement ou qui n'auraient pas fait consensus au sein de la commission. Je rappelle que le rapport de la mission d'information sur l'avenir de l'audiovisuel public, présidée par Jean-Jacques Gaultier, ici présent, n'avait pas recueilli les voix de tous les membres de la mission d'information : ceux qui avaient voté contre signifiaient ainsi leur opposition aux propositions du rapport. Ils ont, par la suite, soumis une contribution écrite. Dans le cas présent, il me semble qu'il aurait mieux valu renvoyer les propositions contestées du rapporteur à l'une de ces contributions, car aucun autre élément du rapport ne justifie une opposition à sa publication de la part des quatre groupes cités. Il n'a jamais été question pour nous de cacher quoi que ce soit, et tout son contenu peut être cité publiquement. Mais la démocratie, c'est aussi le compromis.

La proposition d'interdiction de la diffusion de programmes jeunesse les matins avant l'école me paraît abrupte et peu opérationnelle. Même si ce fait ne doit pas peser dans notre décision, je tiens à souligner que la France abrite le secteur de la création de dessins animés le plus attractif au monde et que plusieurs syndicats professionnels, dont la Société civile des auteurs multimédia (Scam), se sont fortement émus de cette proposition après qu'elle a fuité dans la presse. Ceux d'entre nous qui ont vécu le débat sur le moratoire sur la disparition de France 4 savent quel impact la fermeture de cette chaîne aurait eu sur le secteur. Par ailleurs, si l'on supprime les dessins animés à la télévision, qui dit que les parents ne mettront pas leurs enfants devant une tablette ? Faut-il que France Télévisions bloque également l'accès à sa plateforme de rattrapage ou replay des dessins animés à cette heure-là ?

Pour ce qui est de la proposition « Assurer une source de financement dynamique, spécifique, universelle et progressive comme la contribution à l'audiovisuel public et préserver les identités des sociétés le composant en renonçant au projet de rapprochement au sein d'une même holding », il est inutile de préempter les débats sur la proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle – dont les deux rapporteurs sont ici présents – qui s'ouvriront la semaine prochaine en commission des affaires culturelles et de l'éducation, ni celui sur le financement de l'audiovisuel public qui aura également lieu dans les prochaines semaines en commission des lois. Cette réforme est défendue par la majorité et Les Républicains ; et en raison de son caractère hors sujet, il nous semble délicat d'inscrire cette proposition dans le rapport.

La proposition « Acter la fin de la TNT payante et prévoir la possibilité pour l'Arcom de ne pas réattribuer les cinq fréquences correspondantes » ne nous paraît pas justifiée. Comment expliquer à Paris Première et aux chaînes payantes du groupe Canal+ que nous avons décidé de supprimer la TNT payante pour des raisons économiques ? J'entends que certains ici aient un problème, pour des raisons qui peut-être pour certaines se justifient, avec deux chaînes du groupe Canal+ qui ont été lourdement sanctionnées – C8 et CNews, pour parler clairement –, mais ce ne sont pas ces chaînes qui seront touchées. Celles que nous supprimerions apportent plus de 200 millions d'euros par an au cinéma français ; sans elles, nous n'aurions pas eu Anatomie d'une chute de Justine Triet et toutes ses récompenses. Ce serait mettre fin à la dynamique du cinéma français pour plusieurs années. Le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et France Télévisions auraient du mal à suivre.

La proposition concernant l'instauration d'une redevance annuelle pour occupation du domaine public, a suscité plus de débats au sein de la majorité et du groupe LR. Je suis personnellement ouvert à l'idée de rendre payant l'accès au domaine public. Je ne vous cache pas que la réflexion arrive un peu tard, à une époque où les box TNT sont appelées à évoluer vers un service d'intérêt général et où il sera difficile de rémunérer un positionnement sur l'écran connecté ou sur la télécommande. C'est néanmoins une réflexion utile qui aurait été justifiée à la création de la TNT, et il est regrettable qu'elle n'ait pas eu lieu.

La proposition concernant les garanties en matière d'indépendance des rédactions fait écho aux débats que nous avons eus autour d'un texte qui a été rejeté en commission des affaires culturelles. La majorité considère qu'il faut aller vers un système démocratique dans chaque média, sans imposer un modèle. Ce sujet, de même que celui de la concentration des médias, sera abordé dans le futur texte issu des états généraux de l'information. Nous espérons parvenir à un compromis.

Une proposition propose d'intégrer deux députés de l'opposition au collège de l'Arcom. D'une part, neuf membres, c'est déjà trop ; d'autre part, je suis personnellement opposé à la présence des députés dans les conseils d'administration des autorités indépendantes, car on ne peut pas être à la fois juge et partie. Il sera difficile de garantir l'indépendance d'une autorité de régulation comme l'Arcom si des personnalités politiques siègent au sein du collège, notamment pour ce qui est de la publication des temps de parole et du respect des règles du pluralisme. L'Arcom s'astreint déjà à plus de transparence en publiant ces données chaque trimestre. On peut se poser la question des règles, mais la présence de personnalités politiques ne garantira ni l'indépendance de l'Arcom, ni la confiance que lui portent les citoyens.

Le respect du principe de laïcité, qui fait l'objet d'une proposition, ne se posait pas il y a encore quelques années. Plutôt que d'interdire, il me paraît plus juste de rappeler les règles et d'obliger les chaînes de la TNT qui souhaiteraient diffuser ce type de contenu à assurer une égalité entre l'ensemble des religions ; c'est le choix qui a été fait par France Télévisions.

En ce qui concerne le droit d'opposition des rédactions, il en va de même que pour l'organisation interne des médias : c'est un facteur de blocage. Ce serait très difficile à gérer.

La proposition la plus inacceptable pour nous est enfin celle d'appeler les chaînes à repousser les éditorialistes. Ce serait à mon sens une très grave entrave à la liberté de la presse. À la suite de quelques fuites, on peut d'ailleurs déjà voir les réactions des journalistes : elles sont très dures. Va-t-on demander à des journalistes, détenteurs d'une carte de presse, de ne pas aller sur des plateaux de télévision pour faire un éditorial ? Si le format de l'édito n'était plus possible, on mettrait dehors les Bruno Jeudy, les Jean-Michel Aphatie… Cette proposition justifierait à elle seule le rejet du rapport.

Voilà pour mon sentiment personnel sur le fond.

Nous entendons maintenant les orateurs des groupes.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'ai suivi la plupart des auditions et consulté le projet de rapport. Vous y rappelez l'importance de la TNT, spécificité de l'audiovisuel français que vous considérez comme structurante pour la société française. Vous critiquez beaucoup les procédures d'attribution, et vous jugez sans doute l'Arcom plus faible qu'elle n'est : la commission d'enquête a montré, je crois, son rôle et ses pouvoirs, trop peu connus de nos concitoyens. Nos travaux apportent ainsi un éclairage intéressant.

Nombre de vos propositions sont intéressantes, sur le renforcement de la représentation des femmes et de la diversité, sur l'accessibilité des programmes aux personnes malvoyantes et malentendantes, sur la création d'une catégorie « infotainment » et – même si nous sommes partagés sur le sujet – sur la valeur économique de l'occupation du domaine public.

Mais certaines sont inacceptables. C'est le cas de celles qui concernent le financement et la gouvernance de l'audiovisuel public, sujets auxquels nous consacrerons prochainement de nombreuses heures de débat, mais qui n'entraient pas dans le champ de la commission d'enquête. De même, demander aux éditorialistes de déserter les plateaux porterait atteinte à la liberté de la presse, mais irait surtout à l'encontre de l'ambition à laquelle nous invite la décision du Conseil d'État, qui demande plus de pluralisme. Le pluralisme, ce n'est pas d'exclure des gens, mais de faire en sorte que l'exposition des idées et des opinions soit aussi bien répartie que possible. Je ne veux pas que les éditorialistes soient exclus ou fichés, je veux que les idées qu'ils véhiculent soient analysées pour apprécier le pluralisme.

S'agissant du fonctionnement de l'Arcom, il me semble que demander à y intégrer des députés de l'opposition, c'est méconnaître le défi que représente déjà la collégialité de la quasi-totalité des décisions de l'Arcom, d'autant que nous avons déjà agrandi ce collège à l'occasion de la mise en place de cette autorité en 2022.

Nous devons nous poser la question de notre vote : s'agit-il d'adopter un rapport qui ouvre le débat, ou bien une série de prises de position que vous agiterez demain comme celles soutenues fermement par l'Assemblée ? Nous pouvons voter pour la publication des comptes rendus, des vidéos, de vos préconisations et de celles de chacun des groupes : nous ouvrirons ainsi le débat sans l'ankyloser, car le risque est qu'il soit plus houleux qu'utile.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La principale critique que l'on peut adresser ce rapport, c'est qu'il passe complètement à côté de l'essentiel : l'avenir de l'audiovisuel français.

Paradoxalement, vous identifiez très bien le problème : les géants du numérique, dits Gafam, accaparent de plus en plus le marché publicitaire et disposent de moyens considérables pour la création ; cela rend invisibles, au fil des années, les chaînes françaises. Mais vous vous opposez à tout ce qui pourrait représenter le début du commencement d'une concentration dans le secteur. Que proposez-vous ? Rien. Notre souveraineté audiovisuelle est menacée, et vous regardez ailleurs – pire, vous voulez empêcher la création de groupes nationaux capables de rivaliser avec ces Gafam.

À la lecture du rapport, on constate aussi que vous méconnaissez le fonctionnement d'une rédaction. Vous proposez ainsi d'« attribuer à la rédaction des chaînes un droit d'opposition sur les décisions ayant des conséquences directes sur le contenu éditorial de l'information ». Quel est le mode d'emploi ? Après chaque conférence de rédaction dans une chaîne d'info, par exemple, à quatre heures trente du matin, à neuf heures, à quinze heures, à dix-neuf heures, on convoque une assemblée générale et on organise un référendum ?

Vous demandez aussi que « chaque média d'information soit doté d'une charte définissant sa ligne éditoriale ». N'est-ce pas en contradiction avec ce que vous souhaitez ? Que se passerait-il si la charte énonçait que la chaîne est anti- Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) ?

Vous voulez aussi que « l'ensemble des courants de pensée et d'opinion puissent être représentés à l'antenne ». Très bien, tout le monde est pour : mais que se passe-t-il quand des groupes politiques – je pense aux élus écologistes – refusent d'aller sur CNews ?

Je passe sur la proposition concernant l'agrément du directeur de la rédaction par les journalistes : c'est une vieille lubie qui n'a aucun sens, et dont nous avons déjà débattu il y a quelques mois. Avec vous, Mai 68 à la Sorbonne, c'est un peu à tous les étages.

Mais le Rassemblement national n'est pas sectaire : il y a quelques points sur lesquels nous pouvons nous retrouver. Je pense à la proposition qui vise à réserver la diffusion en clair des événements sportifs et culturels d'importance majeure aux chaînes de la TNT ; à la proposition sur une meilleure accessibilité pour les malentendants et les malvoyants ; à la proposition qui vise à s'attaquer à la spéculation lors de la revente d'une fréquence ; à la proposition qui vise à mieux identifier les personnes intervenant sur les plateaux, afin que chacun sache s'il s'agit d'un expert, d'un éditorialiste, d'un ancien élu devenu chroniqueur.

Mais ce rapport n'est finalement que la traduction de la politique menée par La France insoumise, souvent sectaire et idéologique ; alors que nous aurions pu mener un travail collectif et consensuel, nous avons souvent assisté à des procès politiques, constaté une volonté d'affaiblir certains acteurs par pur dogmatisme. L'extrême gauche souhaite soumettre la France aux Gafam, au lieu de se battre pour la souveraineté audiovisuelle française. Face à la menace que feraient planer ces propositions, qui mettent en danger l'un des fondements de notre démocratie, la liberté d'expression, le groupe Rassemblement national s'opposera à la l'adoption du rapport.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'aimerais revenir non pas sur le contenu des propositions, même si beaucoup de remarques intéressantes ont été faites à leur sujet, mais sur la question de la valeur du vote que nous allons émettre.

Vous avez rappelé, monsieur le président, que les groupes pouvaient joindre leur contribution au rapport.

Cette commission d'enquête résulte du droit de tirage d'un groupe d'opposition. Voulez-vous créer un précédent en rejetant le texte d'un rapporteur qui est par construction issu d'un groupe d'opposition ? Ne serait-ce pas là un changement de fonctionnement de notre assemblée, puisque les commissions d'enquête de l'opposition pourraient ne plus donner lieu à des rapports et que les citoyens pourraient ne plus en être informés ?

Cherchons au nom de quels arguments une commission d'enquête pourrait être jugée défaillante. Peut-on dire qu'elle n'a pas assez travaillé ? Non : vous avez rappelé les 45 auditions de 165 personnes pendant 80 heures. La commission d'enquête a-t-elle omis d'entendre des personnes qui auraient évidemment dû l'être ? Y a-t-il eu des manipulations pour éviter certaines auditions ? Je ne le crois pas. Est-ce qu'inversement, des personnes qui ont été auditionnées n'auraient pas dû l'être ? Je ne le crois pas non plus. Celles qui ont été entendues l'ont été parce qu'il y avait une demande, et pas seulement du rapporteur : des auditions ont été organisées à la demande de certains groupes qui étaient en désaccord avec la façon dont les travaux étaient menés. Chaque groupe a-t-il pu s'exprimer et obtenir les réponses qu'il souhaitait ? Il me semble, monsieur le président, que vous avez veillé à ce que ce soit le cas. Ce travail-là a été fait, même si nous avons pu avoir des échanges sur la façon dont cette présidence était menée, ou sur la façon dont vous vous êtes exprimé dans les médias, et donc sur la question de l'impartialité.

Nous avons tous envie de discuter du fond, comme le rapporteur nous le propose d'ailleurs. Mais j'alerte chacun sur le sens du vote, dès lors que ces conditions sont remplies, quelles que soient les propositions du rapporteur que chacun aura tout loisir de discuter. Un débat est déjà lancé : le fait que ces propositions soient déjà connues de la presse est un problème en soi, mais aussi le signe que chacun a envie de se saisir de ce rapport et d'en discuter, démocratiquement. Notre commission a suscité l'intérêt de nos concitoyens ; il y a eu des pics d'audience sur La Chaîne parlementaire. Beaucoup de gens se creusent la tête et se demandent comment l'Arcom va pouvoir appliquer la décision du Conseil d'État. Certains ont défendu des chaînes qui se sentent menacées, d'autres ont signé des pétitions. En empêchant la publication du rapport, attendu, y compris pour pouvoir le dézinguer et dézinguer le rapporteur – c'est la règle du jeu –, quel message enverraient les groupes majoritaires de l'Assemblée nationale ?

Il est question du droit à l'information, et vous prendriez le risque que les citoyens comprennent que vous ne souhaitez pas les informer de travaux menés sur ce sujet : c'est une mise en abyme un peu effrayante.

Nous pourrions poursuivre les débats qui ont commencé pendant les auditions, et ce sera le cas quand des propositions de loi seront déposées. Nous ne vous demandons pas aujourd'hui de voter pour une proposition de loi de La France insoumise. Vous pourrez, dans dix jours, faire savoir votre opposition frontale aux propositions du rapporteur. Mais il serait terrible, pour la démocratie, que, pour presque la première fois sous la Ve République ou presque, l'Assemblée nationale refuse le rapport d'une commission d'enquête menée par un groupe d'opposition, et résultant de son droit de tirage.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Sans surprise, le groupe Les Républicains votera contre ce projet de rapport. Nous sommes opposés à la moitié des propositions ou presque. Certaines sont hors sujet, d'autres seraient néfastes pour les filières de l'audiovisuel et du cinéma et donc pour l'exception culturelle française.

Nous estimons qu'il faut trois grands pôles sur la TNT : un pôle public fort ; un pôle privé gratuit fort ; un pôle privé payant fort. C'est cette complémentarité qui fera la force de notre audiovisuel.

Nous désapprouvons les propositions sur la réforme de l'audiovisuel public et la création d'une holding – nous aurons l'occasion d'en débattre très prochainement – comme celles qui porteraient atteinte à la filière de l'animation, grand succès industriel français notamment à l'exportation, ou à la TNT payante, donc à la filière cinématographique et à la création. Nous refusons évidemment l'exclusion des éditorialistes : ce serait un comble ! Chacun doit pouvoir choisir ses invités, ses thématiques, sa ligne éditoriale, ses contenus – dans le respect, bien sûr, des conventions signées avec l'Arcom.

Nous ne sommes enfin pas d'accord sur la forme qu'ont pu prendre certains débats.

Ce vote contre n'est pas une censure. Je souhaite que l'intégralité des débats et leurs comptes rendus soient publics, y compris le compte rendu de l'audition des dirigeants de CGA CGM, qui s'est déroulée à huis clos, et celui de cette réunion. Mais nous ne souhaitons ni approuver ni cautionner les propositions qui nous sont présentées ici.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je félicite le rapporteur et le président pour le travail accompli : les auditions ont été nombreuses, des sujets importants ont été abordés. Le président a su rester impartial, même quand ce n'était pas simple, et ramener les débats vers le cœur du sujet. J'ai parfois regretté la rudesse du rapporteur, ainsi que le buzz qui a été fait autour de certaines auditions : cela a polarisé le débat, ce que je regrette.

Le rapport contient des propositions intéressantes, c'est indéniable, mais je suis défavorable à celles qui mèneraient à une sur-régulation de la TNT face à un internet dérégulé et aux géants du numériques dits Gafam qui emportent l'essentiel de la manne publicitaire. Faut-il vraiment interdire les dessins animés le matin ? Je suis perplexe. La TNT payante, cela a été dit, apporte 200 millions d'euros par an au cinéma : pourquoi détruire le cinéma au profit de la vidéo à la demande et ainsi renforcer les Américains ? Je ne crois pas, monsieur le rapporteur, que ce soit habituellement votre but politique. Quant aux émissions religieuses, je les regarde parfois, moi qui ne suis pas croyant : cela permet de découvrir les cultes, donc de s'apprécier et de ne pas se faire la guerre.

J'ai été étonné que vous préconisiez la nomination de députés spécifiquement de l'opposition au sein du collège de l'Arcom. Sur le fond, je me félicite de l'indépendance de l'Arcom et cette proposition ne me paraît pas judicieuse.

Je ne reviens pas sur la proposition qui concerne les éditorialistes : il est ici question de liberté de la presse. Les journalistes vivraient très mal une telle mesure.

Je n'ai jamais hésité à être offensif face à M. Bolloré, à M. Hanouna ou à M. Schrameck – c'est moi qui ai fait dire à ce dernier qu'il avait subi des pressions de François Hollande. Mais je suis aussi objectif et mesuré. Pour toutes ces raisons, et malgré le travail réalisé, le groupe Démocrate votera contre le rapport.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'ai passé plus de deux heures à lire le rapport. Il contient des propositions intéressantes ; j'en approuve plusieurs, j'en considère certaines comme stimulantes ; avec d'autres, je suis en total désaccord.

Au-delà du fond, vous m'autoriserez un peu de solennité : le rôle d'une commission d'enquête est d'irriguer le débat public, à partir des auditions – publiques – et du travail d'un rapporteur à qui la commission délègue le soin de produire un document qui donne des orientations. Ce sont celles du rapporteur : un rapport de commission d'enquête n'est pas coconstruit ; il n'est pas corédigé. Sinon, nous serions tous, stylo à la main, en train de discuter chaque phrase, chaque mot, chaque virgule.

Nous sommes face à une nouveauté : une forme d'ultimatum, ou de chantage. Vous dites, monsieur le président, que neuf propositions vous posent problème. Si elles sont retirées, êtes-vous prêts à adopter le rapport ? Pouvez-vous préciser si vous parlez des neuf propositions encadrées, ou bien également des quelques pages qui exposent le raisonnement et citent les personnes entendues pour appuyer la proposition ?

Cette logique d'ultimatum constitue un précédent fâcheux. Toute commission d'enquête y sera soumise : le rapporteur n'écrira plus ce qu'il veut.

Il y a déjà eu un rapport de commission d'enquête dont la publication a été interdite : c'était le rapport de la commission d'enquête sur les mécanismes de financement des organisations syndicales d'employeurs et de salariés, dont Nicolas Perruchot était le rapporteur, en 2011. Hasard de ma vie professionnelle, j'avais été auditionné par cette commission en tant que membre de l'Inspection générale des affaires sociales ; j'ai le souvenir que les syndicats eux-mêmes – dont le rapport était pourtant censé pointer les faiblesses – avaient regretté qu'un document qui participait du débat public soit soustrait à l'attention publique de manière aussi brutale.

Le signal serait désastreux. Nos concitoyens se sont intéressés à cette commission d'enquête : tant mieux, nous aimons tous la politique et le débat public. Le rapporteur formule des propositions, dont on s'accordera à dire que ce sont les siennes : ce n'est pas une injonction au Gouvernement, ce n'est pas une obligation de faire ; ce sont des éléments versés au débat. Si nous faisons la démonstration que nous avons peur du débat et des conclusions qui peuvent être tirées par tel ou tel, alors il n'y aura plus de commission d'enquête.

Et, quoi qu'il en soit, l'effet Streisand aura lieu : le rapport fuitera, sera publié.

Je souhaite qu'il y ait des propositions de loi qui reprennent des propositions. Chacun précisera alors que les propositions du rapporteur n'engagent pas l'ensemble de l'Assemblée. Je voterai pour certaines de ces propositions de loi, contre d'autres.

Le groupe Socialistes place donc le débat sur le terrain des principes. La décision que nous allons prendre est essentielle pour le fonctionnement parlementaire de la Ve République, a fortiori en ce temps de majorité relative : un pan entier de notre mission, le contrôle de l'action gouvernementale, risque d'être dévitalisé par le précédent que nous pourrions créer.

Si le seul problème de la majorité, ce sont ces neuf propositions, alors je suggère au rapporteur de les retirer pour les insérer dans la contribution du groupe La France insoumise – ou d'autres groupes qui voudraient y souscrire – afin que nous puissions avoir la totalité du débat. Et ce serait, malgré tout, un fonctionnement très dégradé.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est bien la proposition que j'ai faite : intégrer ces neuf propositions non pas au rapport lui-même, mais à la contribution du groupe La France insoumise. Nous voterions alors le rapport. C'est le compromis que nous avons proposé.

Soyons précis : aucune information factuelle issue de la commission d'enquête ne sera cachée à nos concitoyens. Les vidéos des auditions filmées resteront sur le site de l'Assemblée nationale. Une seule s'est déroulée à huis clos, et son compte rendu sera publié. L'ensemble des documents demandés par le rapporteur ne sont pas, eux, accessibles : ils ne sont de toute façon pas annexés au rapport. Mais le rapporteur peut les citer, comme il peut en parler aujourd'hui.

Nous nous sommes posés ces questions : nous ne sommes pas plus bêtes que d'autres, et nous n'avons pas moins envie de démocratie que d'autres. Mais le droit de tirage ne permet pas aux groupes de faire n'importe quoi : une fois votée, toute commission d'enquête est une commission d'enquête de l'Assemblée nationale et le rapporteur est bien celui de l'ensemble de la commission d'enquête et donc de l'ensemble de la représentation nationale. Oui, monsieur Guedj, la commission a délégué – c'est le mot juste – au rapporteur le soin de produire ce travail. Cela doit appeler à chercher un compromis pour rassembler une majorité. Il y a bien un vote, c'est la règle.

Nous avons fait deux propositions successives. Nous avons d'abord mentionné dix-neuf lignes rouges dont nous voulions parler, ce qui n'a pas été possible. Nous nous sommes ensuite concentrés sur les neuf propositions les plus inacceptables, en proposant de voter le rapport à condition qu'elles figurent seulement dans la contribution du groupe La France insoumise.

La commission d'enquête sert en effet à irriguer le débat public, mais tout ce qui va dans ce sens demeurera publié. Les quarante-sept propositions seront toutes publiques, puisqu'elles figureront au compte rendu. Ce n'est pas un sujet de communication. Mais nous ne pouvons pas valider le rapport tel qu'il est.

J'ajoute qu'il y a aussi de nombreuses pages du rapport avec lesquelles nous ne sommes pas d'accord. Mais nous considérons qu'il s'agit des analyses du rapporteur.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je remercie le président et le rapporteur pour le travail réalisé. Les Français ont suivi nos auditions : les mutations des usages et de notre paysage audiovisuel les intéressent. Merci d'avoir proposé cette commission d'enquête utile.

Je veux dire à mon tour que, si nous nous opposons au rapport, ce n'est pas par volonté de censure : vous n'avez pas besoin d'un rapport pour formuler des propositions dans le débat public, d'autant que l'ensemble des auditions resteront publiques, ce dont je me réjouis.

Mais, s'il y a un vote, c'est bien que chacun est amené à s'exprimer sur la pertinence, sur le fond, de ce rapport.

Pour le groupe Horizons, certaines propositions représentent des lignes rouges. Notre collègue Jérôme Guedj nous invite à nous mettre d'accord. Très bien. Je veux bien, monsieur le rapporteur, que vous nous disiez si vous acceptez de revenir sur certaines propositions, notamment celle qui concerne les éditorialistes. Dans votre rapport, vous avez peut-être confondu des gens mal identifiés et s'exprimant au nom d'une prétendue fonction, avec les éditorialistes, généralement des journalistes appartenant à une rédaction et détenteurs d'une carte de presse. Je suis totalement d'accord avec l'idée de clarifier la position des uns et des autres, il faut que les différents intervenants disent d'où ils parlent. En revanche, je pense que votre proposition est dangereuse et va même à rebours du combat que mènent les députés de votre groupe à longueur de journée.

Sans faire la liste de toutes ces lignes rouges, je citerai les propositions concernant la jeunesse. Cela me dérange que l'on fasse comme si les chaînes de la TNT évoluaient dans un monde isolé, alors qu'elles sont en concurrence avec internet et les plateformes des Gafam, comme l'a souligné mon collègue du MoDem. Loin d'être des acteurs puissants et omnipotents, ces chaînes sont fragilisées – la majorité des jeunes ne regardent d'ailleurs plus la télévision – et un supplément de régulation reviendrait à les affaiblir. Passons sur la fin de la TNT payante. Comme mes collègues du groupe Les Républicains, je plaide pour la diversité et la complémentarité qui font la force de notre TNT : un pôle public fort ; un pôle privé payant ; un pôle privé gratuit.

Nous sommes au début d'une histoire, celle de la mutation profonde de notre paysage audiovisuel. Chaque groupe politique pourra formuler ses propositions dans le cadre de l'examen de la proposition de loi sur l'audiovisuel public. Nos débats du jour montrent que nous avons encore du travail.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nos échanges portent sur notre façon de travailler dans cette assemblée. Il est important de se parler franchement, aussi vais-je dire les choses telles que telles que je les ressens. J'ai l'impression que cette décision de ne pas adopter le rapport a été prise de longue date. Une journaliste me l'a affirmé, indiquant qu'elle avait obtenu cette information lors d'un échange hors micro avec l'un des membres de la commission. Cette décision aurait donc été prise en amont.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Peut-être n'avez-vous eu l'information qu'hier. Quant à moi, j'avais été hallucinée par les propos de cette journaliste, et je me pose beaucoup de questions, y compris sur votre idée, monsieur le président, qui consiste à enlever seulement les neuf propositions en conservant tout le corps du texte. Quand on fait référence à un rapport parlementaire, on cite les propositions mais aussi souvent de larges extraits du texte entre guillemets. Si vous étiez vraiment gênés, vous ne feriez pas cette proposition. Tout cela me semble incompréhensible et incohérent.

Dans le cadre de ces commissions d'enquête, la majorité a une responsabilité particulière. Les oppositions se positionnent sur le fond des rapports car, qu'elles votent pour ou contre le texte, cela ne change rien. Vous avez rappelé nos prises de position lors de la remise du rapport de la mission d'information sur l'avenir de l'audiovisuel public, présidée par Jean-Jacques Gaultier, dont vous étiez le rapporteur. Nous avons réagi sur le fond, sachant que le rapport serait publié. Si son vote conditionne la publication du rapport, on ne se positionne pas de la même manière que s'il n'exprime qu'un avis sur le fond.

Le vote de la majorité a donc une signification particulière. Nous savons très bien que vous ne validez pas les propositions de La France insoumise, ce n'est pas une nouveauté. Ce n'est pas une raison pour empêcher que les uns et les autres puissent lire le rapport, d'autant qu'il y a toujours des fuites. Et que les propositions soient ou non caviardées, nous pourrons toujours citer le rapport. C'est encore une incohérence. Pour ma part, je suis en désaccord avec certaines propositions, notamment celle qui consiste à soumettre l'autorisation d'émettre au paiement d'une redevance annuelle : je suis pour le maintien de la gratuité, contrepartie d'exigences fortes, notamment en termes de pluralisme interne et de contenu des programmes. En ce qui concerne les éditorialistes, la difficulté vient du fait que nous ne savons pas bien les définir. À cet égard, le rapport souligne les zones floues et le fait que certaines chaînes ne comptent quasiment plus que des éditorialistes. Comment faire en sorte que les intervenants soient bien identifiés, que l'on sache d'où ils parlent, en toute transparence ?

Voilà tous les sujets dont nous aurions dû débattre aujourd'hui. Or nous sommes en train de passer à côté de ce que nous avons réussi à faire émerger pendant la commission d'enquête : les sanctions n'ont pas eu d'effet sur les éditeurs. Ils n'ont pas mis en place des dispositifs particuliers ou modifié les procédures, estimant que les sanctions n'en étaient pas réellement ou que les conditions du direct ne permettaient pas de prévenir tout dérapage. Voilà ce que j'en retiens. Voilà ce dont nous devrions débattre : les règles à changer pour sortir de cette situation. Or nous discutons de tout autre chose, et les journalistes nous envoient des SMS pour savoir si le rapport va être publié et si les programmes pour la jeunesse seront interdits le matin.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Non, la décision sur le rapport n'a pas été prise de longue date : au sein de la majorité, nous en avons discuté par visioconférence jeudi dernier pour la première fois, même si nous avions déjà parlé du fond des propositions à plusieurs reprises. En tout cas, je ne pense pas qu'il y ait eu une décision préétablie. Je ne suis pas un expert en stratégie politique – vous étiez d'ailleurs parlementaire avant moi –, mais il me semble que si nous voulions voter contre le rapport, nous ne vous donnerions pas les moyens de nous conduire à l'approuver : déclasser neuf propositions en les plaçant parmi les contributions sans ôter du corps du rapport les échanges auxquelles elles ont donné lieu. Ce ne serait pas très intelligent de notre part de vous faire une telle proposition si nous étions décidés à ne pas adopter ce rapport. Notre position indique, au contraire, que nous sommes prêts à l'adopter, une fois écartées les neuf propositions que nous considérons comme des lignes rouges non négociables.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

À mon tour, je voudrais saluer le travail de cette commission d'enquête, notamment celui du rapporteur, mais je ne vais pas me prononcer sur le fond. Notre groupe n'ayant pas pu participer aux travaux avec beaucoup d'assiduité, nous en sommes plutôt à découvrir le rapport. Après l'avoir lu, je pourrais dire que j'en approuve l'essentiel, mais ce n'est pas le sujet.

Comme Sarah Legrain et Jérôme Guedj, je m'étonne que l'on puisse débattre d'une éventuelle interdiction de publication du rapport. En matière de commission d'enquête, les oppositions bénéficient d'un droit de tirage depuis 1988, constitutionnalisé en 2008. Tout le monde admet que cette commission d'enquête a fait son travail. Et son rapporteur, issu de l'un des groupes d'opposition, verrait son rapport interdit de publication ! Comme vous l'avez indiqué, monsieur le président, il y a en effet deux votes concernant ce rapport : l'un sur son contenu où peuvent s'exprimer des désaccords, l'autre sur sa publication. Or vous proposez que l'un entraîne l'autre, que votre refus du rapport conduise à sa non-publication.

C'est très grave car attentatoire aux droits de l'opposition à l'Assemblée nationale, notamment à travers l'existence de ces commissions d'enquête – droit sanctuarisé, constitutionnalisé, qui ne peut pas être remis en cause au détour de l'espèce de chantage proposé ici. Heureusement que les oppositions font, au terme de commissions d'enquête, des rapports qui n'ont pas l'assentiment de la majorité ! Sinon, il n'y aurait plus de droits de l'opposition. Je suis donc très surpris de votre position et de la teneur des débats. Pour moi, le rapporteur d'une commission d'enquête dispose du droit intangible d'en tirer des conclusions qui lui semblent bonnes dès lors que le travail a été correctement fait – en l'occurrence, c'est le cas. Quant aux parlementaires, ils ont le droit de dire à quel point ils sont en accord ou en désaccord avec le contenu du rapport.

Quoi qu'il en soit, vingt ans après le lancement de la TNT, la nécessité d'un débat public apparaît clairement – cette commission a d'ailleurs été très suivie. Le rapport tel qu'il est, avec les accords et les désaccords que suscitent les propositions, doit irriguer le débat public. Je ne vois pas au nom de quoi l'on pourrait interdire de le verser au débat public, avec ses conclusions et les propositions du rapporteur, qu'elles nous plaisent ou non.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

S'agissant des quatre votes, il n'y en a qu'un sur le fond du rapport, les autres portant sur la publication des vidéos, comptes rendus et autres en cas de rejet.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le premier vote ne porte pas que sur le fond du rapport puisqu'il conditionne la publication.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il n'y a pas deux votes, c'est le même qui porte au fond sur l'adoption et sur la publication du rapport.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est ce que vous entendez par fond et publication.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce n'est pas un député ou un groupe qui fait le Règlement de l'Assemblée nationale, les administrateurs nous le rappellent. La validation du fond du rapport vaut publication.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

À quel article du Règlement faites-vous ici référence ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'article 144-2. Les choses sont très claires. Nous avons la chance d'avoir des administrateurs qui connaissent leur travail et la réglementation.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Sans remettre en cause le travail des administrateurs, pour avoir participé à beaucoup de réunions comme celle-ci et pour avoir été moi-même rapporteur de plusieurs missions, je pense que l'on se prononce sur la publication du rapport et non sur les propositions.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il ne faut pas confondre les missions d'information où le vote de la commission ayant créé la mission ne porte que sur la publication du rapport, et les commissions d'enquête où le vote porte sur le fond. Il me semble qu'accepter trente-huit propositions sur quarante-sept est le genre de compromis que vous appelez sans cesse de vos vœux en cas de majorité relative. Si toute négociation avec un groupe hors majorité est taxée de chantage, les choses vont devenir compliquées.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

À quelle disposition de l'article 144-2 faites-vous référence ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Arrêtez, chers collègues ! Nous n'allons pas réinterpréter le règlement à la suite des administrateurs.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Lisons-le. En quoi cet article dit-il que nous votons sur le fond du rapport ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le deuxième alinéa de l'article 144-2 indique : « Le rapport adopté par une commission d'enquête est remis au Président de l'Assemblée. Le dépôt de ce rapport est publié au Journal officiel . »

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cela ne dit pas que nous votons sur le fond du rapport !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'analyse des administrateurs de l'Assemblée nationale, qui connaissent le règlement, est très claire.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous avions jusqu'à présent un débat très apaisé, vous ne pouvez pas répondre sur ce ton, monsieur le président.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma manière de présider n'a rien d'autoritaire et, d'ailleurs, on ne prend pas la parole de cette manière, on la demande. Je voudrais que nous retrouvions le calme pour ces débats très importants.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'article 144-2 du Règlement ne permet pas de tirer cette conclusion !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les administrateurs, qui connaissent mieux le sujet que moi, ont été très clairs : on vote sur le fond, c'est ce qui fait la différence avec une mission d'information.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pour retrouver la sérénité de nos débats, nous en revenons à des orateurs qui ont demandé la parole.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pour ma part, j'ai déjà participé à des commissions d'enquête – et pas à des missions d'information – au terme desquelles nous ne votions pas sur le fond du rapport mais sur sa publication. En cas de désaccord entre le président et le rapporteur, il était indiqué quelles propositions étaient approuvées par les deux, par l'un ou par l'autre seulement. Ces mentions ne figuraient pas dans les propositions des groupes, mais elles étaient intégrées dans le rapport. Nous pourrions peut-être procéder de cette manière.

Quoi qu'il en soit, je ne peux pas accepter d'entendre dire que la publication de l'intégralité des auditions vaudrait publication du rapport. Cela voudrait dire que toute audition filmée pourrait se substituer à un travail de rapport, en particulier de rapport d'enquête. C'est faux. Ce rapport est un travail de compilation, d'analyse, d'explication et parfois d'explicitation. Il repose sur des recherches documentaires, sur la lecture d'autres rapports, sur des analyses de chiffres, etc. On ne peut pas se satisfaire de la publication des auditions et décréter que les travaux sont publics. Ce serait nier le nécessaire travail d'analyse, effectué notamment par les administrateurs.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

D'abord, je voudrais remercier le président, le rapporteur et les administrateurs pour le travail effectué. Pour ma part, je me suis senti en porte-à-faux durant cette commission d'enquête parce que les retours du terrain n'étaient pas bons : les gens critiquaient la forme plus que le fond de nos travaux. Aujourd'hui, je vois que mon nom, comme celui de mes collègues, apparaît à la deuxième page du rapport. C'est un peu comme si j'en cautionnais le contenu. Or, en tant qu'ancien journaliste, je me pince quand je lis la proposition sur les éditorialistes. Ainsi que l'a rappelé notre collègue Philippe Ballard, les rédactions obéissent à des règles de fonctionnement, les titulaires de carte de presse doivent respecter une charte d'éthique. De même, la proposition qui prévoit d'accorder un droit de veto aux rédactions sur les décisions ayant des conséquences sur le contenu éditorial de l'information, méconnaît totalement leur fonctionnement. Cela me met très mal à l'aise.

Enfin, pourquoi voter si nous devons obligatoirement approuver le rapport ? Ce n'est pas le débat d'orientation budgétaire d'une collectivité locale où il s'agit de prendre acte, nous avons le droit d'être contre. Pour ma part, je trouve que c'est une bonne idée de décaler ces neuf propositions non cautionnées par la majorité pour les placer dans les contributions des groupes. C'est un bon compromis qui ne renie pas le travail de fond effectué – dont je ne cautionne pas la forme.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Si le rapport n'est pas publié, que deviennent les pièces demandées par le rapporteur ? Vous parlez des vidéos et des comptes rendus, mais le rapporteur a aussi demandé des pièces utiles. Leur disparition accroîtrait le problème de transparence vis-à-vis de nos concitoyens.

Sur le fond, je ne comprends pas cette histoire de ligne rouge. Est-ce à dire que vous valideriez tout le reste si nous lâchions sur ces points ? Non. Vous allez même faire des contributions pour le dire, dans le cadre du débat démocratique. Qu'allez-vous alors expliquer à nos concitoyens ? Vous allez leur dire que vous avez accepté d'adopter le rapport parce que certaines lignes rouges n'ont pas été franchies, mais que vous n'approuvez tout de même pas le fond du texte, et que vous allez d'ailleurs publier une contribution pour monter à quel point vous n'êtes pas d'accord.

Notre discussion peut porter sur le fond ; dans le compte rendu seront développés des arguments de fond. Quant au vote, il est lié à notre pouvoir de contrôle : il permet de sanctionner les éventuelles défaillances de la commission, notamment du président et du rapporteur, la mauvaise tenue des auditions, le caractère insuffisant ou hors sujet des travaux. Imaginons, par exemple, que la commission ait auditionné des agriculteurs, et que le rapporteur nous présente un texte sans rapport avec le sujet initial. Une commission d'enquête se déroule dans un cadre précis, défini par le droit constitutionnel de tirage accordé aux oppositions. L'Assemblée nationale doit voter pour contrôler que les travaux effectués respectent l'objet initial.

Ce n'est pas une pure formalité. Est-ce que le travail a été fait ? Certains ont commenté le ton, mais cela risque d'être compliqué d'aller sur ce terrain-là. Est-ce que tout ou partie des travaux est hors sujet ? La question a été soulevée pour ce qui concerne l'audiovisuel public. Je comprends le raisonnement, mais il est difficile de déclarer cet aspect hors sujet, après avoir considéré qu'il était pertinent de l'aborder lors de l'audition de ministres. Quant à cette histoire de ligne rouge, qui établit une sorte de gradation dans vos désaccords, elle affaiblit votre logique. Si vous ne votez pas sur le fond, si nous gardons notre liberté d'expression pour critiquer le rapport, il n'y a pas de ligne rouge possible à part le hors sujet, l'absence ou la mauvaise qualité du travail. C'est là-dessus que le vote doit porter.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

S'agissant des documents, ceux qui sont cités dans le rapport seront rendus publics, mais ceux qui ont été demandés ne seront pas annexés – ils seront envoyés aux archives. Même si le rapport est adopté d'ailleurs, les 27 000 documents et autres conventions demandés à tel groupe ou institution ne seront pas publics. S'ils sont cités, ils seront de fait mentionnés dans les comptes rendus. En revanche, les documents de ce type ne sont jamais accessibles au public en tant que tels, ils sont envoyés aux archives, que le rapport soit ou non adopté.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, vous avez assuré que les comptes rendus des auditions, avec les réponses des uns et des autres, seraient publiés. Le rapport est le fruit de ces auditions, mais aussi de tous ces documents qui ne seront plus accessibles. Si le rapport n'était pas publié, il n'y aurait plus aucune analyse de ces documents.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je ne suis pas idiote et j'ai bien compris qu'ils ne seront pas accessibles. Néanmoins, il en existe une analyse dans ce rapport. On ne peut donc pas prétendre en toute honnêteté que la non-publication du rapport ne serait pas grave puisque tous ses éléments constitutifs seraient accessibles par le bais des auditions : il ne serait pas fait mention de ces 27 000 documents.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Voilà pourquoi nous vous proposons d'enlever ces neuf propositions pour que nous validions le rapport et qu'il soit publié.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Notre collègue Karl Olive était journaliste et moi j'étais précédemment conseiller principal d'éducation (CPE). En cas de conflit entre deux parties, je m'efforçais toujours de trouver la solution d'équilibre permettant aux protagonistes de se serrer la main avant de sortir de mon bureau et de continuer leur vie dans l'établissement dans le climat le plus serein possible.

En toute modestie, je vais essayer de faire la même chose ici, en me référant à l'expérience que j'ai eue lorsque j'ai conduit avec Isabelle Rauch la mission d'information sur l'évaluation de la loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias, dite « loi Bloche ». Il s'agissait certes d'une mission d'information et non d'une commission d'enquête, mais Isabelle Rauch et moi-même avions des idées communes mais aussi des idées divergentes, voire très divergentes, notamment sur le droit d'agrément accordé aux rédactions. Après en avoir longuement discuté avec les administrateurs, avec les uns et les autres, nous avons décidé de faire apparaître ces vrais désaccords en reprenant, chacun en son nom propre, les propositions en question. Dans le rapport, on peut donc lire des formulations telles que « Mme Isabelle Rauch propose que… », « M. Inaki Echaniz propose que… ». Certaines propositions n'engageaient donc que leur auteur. Cette solution a permis de faire adopter le rapport, y compris par les députés de la majorité qui s'opposaient à certaines de mes propositions.

Au lieu de retirer certaines propositions, nous pourrions simplement faire apparaître qu'elles n'engagent que le rapporteur et non l'ensemble des commissaires. Cette solution d'équilibre satisferait tout le monde et rendrait les choses parfaitement claires pour les lecteurs du rapport.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans une commission d'enquête, il ne peut pas y avoir deux avis différents car il n'y a qu'un rapporteur, mais je vous ai fait une proposition similaire.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Non, parce que je ne propose pas de retirer certaines propositions, mais d'indiquer qu'elles n'engagent que le rapporteur à titre personnel.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il faut s'assurer que le Règlement de l'Assemblée nationale autorise une telle solution.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Selon les administrateurs, rien n'empêche de procéder de cette manière. Si mes collègues m'en donnent mandat – ce qui semble le cas –, je vous offre donc deux options : déplacer les neuf propositions dans les contributions, ou alors les conserver et les mentionner dans un paragraphe spécifique, en précisant qu'elles sont faites à titre personnel par le rapporteur.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Toutes les pièces communiquées au rapporteur sont-elles consultables ou publiables ? Le cas échéant, dans quelles conditions ? Toutes les pièces demandées par la commission ont-elles été reçues ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ne sont consultables que celles qui sont publiées avec le rapport, donc citées dans le rapport. Le reste, qui relève du régime du secret, est envoyé aux archives et ne sera pas consultable avant vingt-cinq ans.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous recevons des pièces que nous ne pouvons pas consulter.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Et les pièces demandées par la commission ont-elles été toutes reçues ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En tant que président, je n'y ai pas accès, sauf demande spécifique. Le rapporteur pourra vous répondre de manière plus précise que moi.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Toutes les pièces demandées n'ont pas été systématiquement communiquées.

Je me suis ainsi rendu une première fois dans les locaux du siège de Canal+ précisément pour obtenir certaines d'entre elles, qui ne m'avaient pas été fournies. J'ai dû y retourner le lendemain pour en obtenir davantage, mais cela n'était toujours pas suffisant. J'avais fixé au 29 avril la limite pour me communiquer les pièces. Toutes n'ont pas été transmises. Les dernières à l'être ont été envoyées le 30 avril à sept heures du matin – ce qui m'incite à penser que Canal+ faisait preuve d'une certaine mauvaise volonté pour répondre – et elles ne correspondent pas exactement à mes demandes. Ce sont ces pièces qui ont posé le plus de problèmes.

Pour le reste, j'ai essentiellement sollicité l'Arcom. Je me suis également adressé aux Archives nationales pour accéder à des documents d'archives du Premier ministre.

J'appelle votre attention sur un point qui m'a alerté : l'absence de conservation des agendas de Michel Boyon, tenus au long de sa présidence du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Des témoins ont en effet fait part de leurs suspicions sur les modalités d'attribution des autorisations en 2012 – ce fut notamment le cas lors des auditions de Marcel Rogemont et d'Olivier Schrameck. J'ai cherché à obtenir des documents d'agendas qui auraient permis de corroborer ces soupçons, mais les archives n'existent pas ou en tout cas n'ont pas été laissées – ce que je trouve d'autant plus curieux. Je ne prendrai pas l'initiative de saisir le procureur de la République au titre de l'article 40 du code de procédure pénale puisque Marcel Rogemont et Olivier Schrameck n'ont pas considéré devoir le faire à l'époque.

Voilà quels ont été les points les plus sensibles s'agissant des pièces demandées.

Le rapport ne se limite pas à un compte rendu des auditions. J'ai cherché à faire parler le plus possible les personnes auditionnées mais, comme l'a aimablement relevé Ségolène Amiot, j'ai aussi essayé de mettre les choses en perspective et de porter une appréciation – partagée ou non au sein de cette commission.

Vous avez d'ailleurs lu dans le rapport que je mentionne une des pièces obtenues in extremis de la part de Canal+, laquelle est à mon avis extrêmement édifiante parce qu'elle témoigne d'une propension particulièrement grande à transgresser les règles de la part de CNews. Après avoir longtemps travaillé sur ce sujet, il me semble que cet élément notable permet de douter de la véracité ou de la sincérité des propos qui ont été tenus par la direction de cette chaîne devant notre commission.

Renoncer à publier le rapport ne serait donc pas anodin, car cela empêcherait de mettre en lumière ce fait qui me paraît extrêmement important.

Sans vouloir être byzantin, je rappelle la rédaction exacte du règlement s'agissant de la publication des rapports des commissions d'enquête. Le deuxième alinéa de l'article 144 précise que « Le rapport adopté par une commission d'enquête est remis au Président de l'Assemblée. Le dépôt de ce rapport est publié au Journal officiel . Sauf décision contraire de l'Assemblée constituée en comité secret dans les conditions prévues à l'article 51, le rapport est imprimé et distribué. »

Rien n'indique qu'un vote pour la publication du rapport traduit un accord avec son contenu. On peut considérer que la notion d'adoption est équivoque, puisqu'elle n'a pas la même signification selon que l'on estime qu'il s'agit de partager les conclusions du rapport ou seulement d'autoriser sa publication.

Je me rappelle qu'il y a presque un an, la commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères était réunie pour examiner le projet de rapport de Mme Constance Le Grip. Je me souviens très bien avoir alors dit que je n'étais pas entièrement satisfait par sa conception des ingérences étrangères mais qu'en tout état de cause je ne voulais pas empêcher la publication du rapport. Et, une fois n'est pas coutume, le vote de mon groupe aurait pu être décisif. En effet, la discussion s'était un peu éternisée et une partie des membres de la majorité était partie. En outre, notre collègue Richard Ramos était opposé à la publication du rapport en l'état. Mais, plutôt que de voter contre, je m'étais abstenu considérant que le rapport reposait sur une forme d'honnêteté et de cohérence intellectuelles.

Comme vous pouvez le constater, nous ne varions pas s'agissant de l'interprétation que nous faisons du Règlement. Nous avions alors considéré que même si notre groupe ne partageait par les analyses de la rapporteure, elle apportait une contribution utile au débat public.

Il est en effet toujours possible de défendre ses idées, monsieur Patrier-Leitus. Mais ce n'est pas la même chose si la presse peut s'appuyer sur un document de 180 pages qui comprend des faits et des arguments. Je peux certes essayer d'en résumer le contenu lors d'une conférence de presse, mais il arrive parfois lors des débats publics que certains veuillent aller au fond des choses.

Je reviens sur la proposition de M. Echaniz. Il serait possible d'envisager une troisième solution, d'ailleurs très proche. Il est d'usage que le président d'une commission d'enquête rédige un avant-propos. Lors de la commission d'enquête sur les décisions de l'État en matière de politique industrielle en 2018, le président Olivier Marleix avait rédigé un avant-propos exceptionnellement long dans lequel il disait à quel point il était en complet désaccord avec le rapport de Guillaume Kasbarian, notamment en ce qui concerne Alstom.

Monsieur le président, vous pourriez parfaitement faire figurer dans un avant-propos la liste des propositions dont vous estimez qu'elles posent un grave problème. Il est aussi possible de les faire apparaître séparément au sein du rapport – je ne vais pas me braquer sur ce point. Mais je pense qu'il serait plus légitime que le président attire l'attention du lecteur en soulignant qu'il n'approuve pas telle ou telle proposition. Le débat public mérite ce type de transparence.

J'en viens au contenu de certaines propositions.

Je comprends la logique de certains s'agissant de la TNT payante, mais j'observe surtout que ce modèle n'est pas rentable. En l'occurrence, c'est cela que j'ai essayé d'acter dans ma proposition. Il appartiendra en tout état de cause à l'Arcom de prendre une décision à ce sujet.

Toutes les recommandations qui portent sur le fonctionnement de l'Arcom et sur les orientations qu'elle pourrait choisir sont bien entendu faites dans le respect de l'indépendance de cette autorité.

Quant à l'interdiction de diffuser des programmes destinés à la jeunesse le matin avant l'école, encore une fois j'ai repris une recommandation du Défenseur des enfants. Je ne crois pas qu'elle remette en question l'avenir de la filière des images animées. Si celle-ci se porte bien, ce n'est heureusement pas seulement grâce à des émissions diffusées à six heures. Si tel était le cas, vous vous seriez déjà émus du fait que TF1 ait décidé de modifier sa grille de programmes en supprimant les dessins animés dans la tranche qui s'étend de sept heures à neuf heures trente.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cette modification n'a pas d'effet sur le volume des commandes passées aux sociétés de cette filière.

La majorité présidentielle propose de retenir la suggestion de M. Echaniz. Le rapport comprendrait une première liste de trente-huit propositions du rapporteur, tandis que dans une seconde liste, neuf autres seraient identifiées comme des propositions à titre personnel du rapporteur.

Cela nous permettrait d'arriver à un compromis. Bien entendu, un avant-propos et les traditionnelles contributions pourront figurer dans le document final.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je propose que le Règlement soit modifié pour intégrer cette nouveauté et qu'il y soit fait référence à la proposition que j'ai formulée aujourd'hui.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Gare au prochain qui se moquera de l'esprit de synthèse des socialistes !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je suis contrainte de partir mais je suis favorable à cette proposition.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous pourrons tous ensuite expliquer que le rapport comprend les analyses du rapporteur et que les propositions sont différenciées. Nous pouvons faire appel à l'intelligence des lecteurs et des observateurs.

Pour que les choses soient claires, je précise avant le vote que les propositions, récapitulées dans le projet de rapport à partir de la page 189, comprendront une première liste de trente-huit propositions du rapporteur, puis une seconde liste de neuf de ses propositions à titre personnel. Cette dernière sera constituée par les propositions qui portent actuellement les numéros 8, 13, 15, 19, 21, 27, 29, 35 et 40 :

– « Interdire la diffusion de programmes jeunesse les matins avant l'école, ou à défaut, obliger les chaînes à afficher un message sanitaire de prévention durant l'intégralité des programmes concernés » ;

– « Assurer une source de financement dynamique, spécifique, universelle et progressive comme la contribution à l'audiovisuel public et préserver les identités des sociétés le composant en renonçant au projet de rapprochement au sein d'une même holding » ;

– « Dans les programmes des chaînes d'information, renoncer à la fonction d'éditorialiste, intrinsèquement liée à la presse écrite d'opinion, au profit d'experts disposant de compétences et titres pour analyser les faits » ;

– « Acter la fin de la TNT payante et prévoir la possibilité pour l'Arcom de ne pas réattribuer les cinq fréquences correspondantes » ;

– « Soumettre la délivrance de l'autorisation d'émettre sur la TNT à une redevance annuelle pour occupation du domaine public assise sur le chiffre d'affaires des éditeurs concernés »

– « Insérer dans les conventions des chaînes proposant des émissions d'information des garanties en matière d'indépendance des rédactions vis-à-vis des intérêts et des interventions de l'actionnaire, notamment en prévoyant l'agrément du directeur de la rédaction proposé par l'éditeur » ;

– « Élargir la composition du collège de l'Arcom en prévoyant d'y faire figurer deux députés de l'opposition » ;

– « Prévoir dans la loi du 20 septembre 1986 l'obligation pour les éditeurs de chaînes sur la TNT de respecter le principe de laïcité, incompatible avec la diffusion d'émissions à caractère religieux ; prévoir de faire respecter par l'Arcom le principe d'une réfutation des théories pseudo-scientifiques » ;

– « Attribuer à la rédaction des chaînes un droit d'opposition sur les décisions ayant des conséquences directes sur le contenu éditorial de l'information. »

La commission adopte le rapport.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Conformément à l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 et au Règlement de l'Assemblée nationale, le rapport sera publié dans un délai de cinq jours, sauf décision contraire de l'Assemblée constituée en comité secret. Il ne doit pas être diffusé avant cette date, et c'est la raison pour laquelle le rapporteur et moi-même avons prévu des conférences de presse seulement à partir du mardi 14 mai.

Je remercie le rapporteur et l'ensemble des membres de la commission pour ces travaux et pour la solution inédite à laquelle nous avons abouti, qui repose sur l'intelligence collective.

La séance s'achève à dix-huit heures vingt.

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Ségolène Amiot, M. Philippe Ballard, M. Quentin Bataillon, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Emmanuel Blairy, Mme Céline Calvez, M. Sébastien Chenu, Mme Fabienne Colboc, M. Jocelyn Dessigny, M. Inaki Echaniz, M. Laurent Esquenet-Goxes, Mme Estelle Folest, M. Philippe Frei, M. Jean-Jacques Gaultier, M. Jérôme Guedj, M. David Guiraud, Mme Constance Le Grip, Mme Sarah Legrain, M. Christophe Marion, M. Thomas Ménagé, M. Karl Olive, M. Jérémie Patrier-Leitus, M. Emmanuel Pellerin, M. Stéphane Peu, M. Aurélien Saintoul, Mme Sophie Taillé-Polian, M. Christopher Weissberg